mardi 14 janvier 2014

Transat de Mindelo (CapVert) à Jacaré (Brésil)



Noëlle un peu inquiète par cette traversée me presse depuis plusieurs mois à embarquer un équipier. De guerre lasse, à Mindelo,  je me décide à emmener avec nous un jeune couple de bateaustoppeurs. Alice et Théo sont deux danseurs et ont un projet de contact avec les populations d’amérique du sud à travers la dance. Nous les avions rencontrés à Dakar et les avons retrouvés à Mindelo en recherche d’un embarquement pour le Brésil. Ils ne sont pas des marins, mais pourront assurer la veille pendant les quarts de nuit.
Nous attendons la fin d’un coup de vent sur le sud des iles du cap vert et décidons de partir le dimanche 22 décembre. La veille nous disons au revoir aux amis en particulier à France et François en attente d’une meilleure meteo pour le grand saut et aux jeunes de CRIQUET. Nous allons au mouillage où nous embarquons Alice et Théo. Petit briefing sur la sécurité à bord, récupération de tous les passeports pour les stocker dans les bidons de survie….
Dimanche a 12 h UTC nous levons l’ancre pour cette transat de 1600 miles. C’est  une des plus courtes . Dans la première partie nous devons avoir les alizés de NE de l’hémisphère nord, puis une zone avec des grains , du vent instable en force et direction (c’est le pot au noir un peu au nord de l’équateur), puis on devrait toucher des vents de sud est : les alizés de l’hémisphère sud.
 Il faut passer dans  le pot au noir là où il est le moins actif et le moins large. Mais la position et l’activité de ce pot varie chaque jour. Michel notre copain d’Avel Dro s'est proposé de nous router pour passer au mieux. Michel m’enverra deux fois par jour un mail avec les conditions meteo de la zone pour les 3 jours et la position du pot au noir.
En partant nous faisons le tour du mouillage en actionnant la corne de brume pour saluer les bateaux amis. Nous sommes trois bateaux à partir au même moment mais nous nous perdons de vue très vite. Comme prévu le vent est fort (30 nœuds) entre les iles, puis devient plus régulier au fur et à mesure que nous nous éloignons de Mindelo. Il fait beau, la houle est au rendez vous. Le bateau marche bien, à l’intérieur il devient un peu difficile de se mouvoir .

 Au fur et à mesure du temps passé, chacun s’installe dans la routine des journées de navigation :  Lecture (tous les quatre), Sudoku (Alice et moi), travaux au crochet (Théo), Scrabble (Alice et Théo), broderie (Noelle), contemplation de la mer (tous), mail avec Michel pour la meteo et navigation  (moi),  cuisine et vaisselle (tous).
Les quarts de nuit s’organisent : Chacun un quart de 3 heures entre 19h30 et 7h30. Consigne est de me réveiller en cas de changement des conditions de vent et  de route à collision à moins d’un mile avec un cargo. Chaque jour nous faisons notre quart à des heures différentes. Cette organisation nous permet de beaucoup nous reposer. De plus dans la journée nous pouvons siester quand nous voulons.
Pendant la journée nous trainons deux lignes de pêche. Nous attrapons 3 poissons : Une petite dorade coryphène, un joli tazard et un poisson lune oblong. Avant de déguster ce dernier, nous demandons à Michel s’il est comestible (il me conseille de profiter de la présence d’équipiers pour tester la comestibilité du poisson !).
Nous perdons plusieurs leurres sur des touches de gros poissons au grand désespoir de Noëlle, mais c’est tant mieux car je ne veux pas remonter des prises de plus de 10 kilos.
Tous les matins nous ramassons sur le pont un ou deux poissons volants venus s'échouer en croyant échapper à un prédateur.
La nuit nous mettons en route notre hydrogénérateur trainé. Grâce à lui et aux panneaux solaires nous sommes complètement autonomes en électricité. Nous n’avons jamais à mettre en marche le moteur pour recharger les batteries. C’est un grand confort.
Les alizés de NE nous permettent une allure au portant avec les voiles bien ouvertes, la houle de trois quart sur la hanche, souvent la nuit un peu moins fort et faiblissant en allant vers le sud…
Eole et Neptune sont avec nous  et nous offrent une traversée du pot au noir très rapide : Nous traversons une première ligne de grains avec beaucoup de pluie, ensuite le vent est très instable, nous utilisons alors le moteur, 6 miles plus loin une deuxième ligne de grains (Théo et moi sommes trempés car nous avons manoeuvré les voiles), en en sortant c’est le plaisir de trouver les vents de SE tant attendus et signe que nous entrons dans le système de vent de l’hémisphère sud.
Par contre nous sommes à une allure de près, les voiles bien bordées. Le bateau bondit de vagues en vagues, se soulève et retombe parfois rudement. A l’intérieur, ouvrir un équipet, cuisiner ou  faire la vaisselle devient un sport de combat. Quelques bleus, un gateau au chocolat qui disparait derrière la cuisinière, des verres cassés….
Au fur et à mesure de notre avancée vers le sud le vent adonne un peu, le bateau marche vite et la vie à bord encore plus acrobatique. La nuit nous réduisons la voilure nous  permettant de mieux dormir.
Le huitième jour Noëlle n’est plus pressée d’arriver. Cela montre qu’elle est rentrée dans le rythme de ces longues navigations.
Nous apercevons très peu d’oiseau :  très rarement un fou, un pouffin ou des petits oiseaux noirs et blancs dont un est resté toute une nuit accroché à la filière pour se reposer au grand dam d’Alice.
Très peu de bateaux croisés. Une toute petite dizaine vus avec l’AIS, seulement 3  vus à l’œil. Un était en collision parfaite venant face à nous en pleine nuit. Nous l’appelons avec la VHF, il se détourne très courtoisement. J’aime voir passer les feux de ces cargos en silence dans la nuit, ils vont  si loin si lentement, j’imagine les hommes de quart dans la passerelle qui eux regardent les feux de ce voilier qui va si lentement….
Nous avons l’occasion de faire trois fois la fête :
D’abord réveillon de Noël avec foie gras maison, saumon fumé, cuisses de canard, gateau le tout arrosé de champagne. Nous échangeons nos cadeaux surtout que c’est l’anniversaire de Noëlle.
Puis c’est le passage de l’équateur. A cette occasion nos jeunes nous gratifient d’une chorégraphie dans leur bleu de travail au cours de laquelle ils jettent à la mer une bouteille contenant un message pour celui qui la trouvera …. Nous n’oublions pas d’ouvrir une bouteille de champagne et de commencer par en donner un verre à Neptune pour le remercier..
Enfin c’est le passage à la nouvelle année : réveillon avec champagne, cuisse de canard…. Nous levons nos verres pour nous souhaiter bonne année 2014 le 31  à 20h heure locale mais minuit en France…
Le 1er janvier à la tombée de la nuit nous apercevons les lueurs de la ville de Joao Pessoa, puis les premières lumières. Le phare attendu et censé être visible à 16miles en fait ne marche pas ! Nous trouvons péniblement  les feux du chenal parmi toutes les lumières de la côte. Nous remontons le chenal sans nous tromper (ici le vert est à babord et le rouge à tribord). Nous mouillons  à l’extérieur du chenal devant le port de commerce. Le bateau ne bouge plus. Quel calme. C’est le bonheur d’avoir accompli cette transat et de se trouver au mouillage dans le silence, sans que rien ne bouge avec la promesse d’un sommeil ininterrompu….
Le lendemain nous remontons le fleuve et arrivons à la marina de Jacaré où nous allons laisser le bateau quelques mois. Il est temps pour nous de jouer notre rôle de grandparents….

Voilà pour chacun de nous cette traversée résumée en trois mots :
Pour Noëlle : Eprouvante , Harmonieuse et Conviviale.
Pour Alice : Grandissante, Inoubliable, Etoilée..
Pour Théo : Salivante, Touchante, Merveilleuse
Pour moi : Rapide , Elégante (on passe du système des alizés du NE à ceux du SE par un étroit pot au noir), Partagée (C’est ma première transat avec un équipage aussi nombreux). Je rajoute encore un adjectif : Sereine : en effet le bateau est bien préparé ( un régulateur d’allure en cas de problème avec le pilote automatique etc), je n’étais pas stressé par de possibles problèmes techniques comme lors de mes précédentes traversées et puis c'est ma quatrième traversée : on s'habitue.


Quelques  données un peu plus techniques :
La longueur de cette transat sur la carte est de 1610 miles. Nous avons fait un petit peu plus car nous avons suivi d’abord une route sud puis incliné progressivement vers l’ouest.
Nous avons mis 10 jours et demi. En 24 h la plus courte distance parcourue : 124
 miles, la plus longue 175.
Le GPS a enregistré une pointe à 13,6 noeuds. Je pense qu'il est plus marseillais que moi! En tous cas nous avons souvent dépassé 10 noeuds.

Nous avons utilisé le moteur seulement 2h (dans le pot au noir) et au départ et dans le chenal d’arrivée.
Nous avons été toujours babord amure. Souvent sous trinquette. Nous avons tangonné le génois à deux reprises pendant 2h dans les alizés de NE.
Au sortir du pot au noir le vent était tendance très sud et nous avions du mal à faire cap sur Jacaré, aussi nous avons serré le vent même quand il a adonné. Nous sommes passés à 30 miles  à l’est des rochers de St paul et de Fernando de Norohna.
Nous avons consommé 5 l de gasoil et 3 bouteilles de champagne…..

Au départ de Mindelo


Eprouvant? Vous avez dit éprouvant?
Préparation du réveillon de Noël

Le gâteau d'anniv.

Nos cadeaux
Dans le pot au noir

Théo et Alice avec leurs cadeaux

Le tazard


En communication avec Michel

Bain de pied

Effet de voile lesoir.

Les grains du pot au noir sur le radar

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Le poisson lune oblong


Jacaré est connu pour son joueur de saxo qui interprète le Bolero de Ravel tous les soirs

A bientôt....